Ce texte est l'aboutissement de trois années de discussions au sein de SUD éducation Var sur l'écologie. L'évolution de nos préoccupations dans ce domaine existe dans d'autres syndicats SUD qui se dotent eux aussi de textes d'orientation de ce type.
C'est à l'AG du 11 janvier 2023 que le thème du congrès est retenu. Son titre provisoire est : « quel syndicalisme dans un contexte de descente énergétique? »
La base du texte présenté pour amendements au printemps ne fait pas consensus. Il y a des clivages importants au sein du syndicat. De nombreux amendements affluent. Deux journées de travail n'auront donc pas été de trop pour finaliser ce texte. Les discussions se sont déroulées dans le respect mutuel de la parole et la recherche du consensus.
Un monde qu’on a trop adapté devient inadapté
A partir du XVIIIème siècle, d’abord l’Europe, puis plus tard, une grande partie du monde s'est appuyée sur les innovations techniques utilisant d’abord le bois, puis les combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) pour démultiplier sa puissance amenant le développement économique, la puissance militaire, le confort domestique, la consommation de masse et le progrès social (dépendant aussi du rapport de force dans une société à un moment donné). L’humain dans les sociétés « modernes » a toujours plus recours à la mécanisation pour se nourrir, se déplacer, transporter, construire des logements, fabriquer des habits, des biens de consommation en tout genre... Une grande partie de ce qui fait nos modes de vie est la conséquence de la consommation d'énergie de ces machines, une énergie principalement fossile, et donc épuisable.
Les scientifiques ont posé neuf limites planétaires à ne pas dépasser pour assurer un espace de vie sûr et juste pour l’humanité :
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Le changement climatique
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L’érosion de la biodiversité
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Le changement d’utilisation des sols
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L’introduction d’entités chimiques nouvelles dans la biosphère
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La perturbation du cycle du phosphore et de l’azote (pratique agricole)
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L’acidification des océans
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L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère
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L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique
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Le cycle d’eau douce bleue et verte.
L’activité humaine, ou plutôt celle de ses machines alimentées principalement aux énergies fossiles, est responsable du dépassement de la plupart de ces limites.
L’épaisseur de la couche d’ozone est la seule limite qui évolue dans le bon sens. Elle doit servir d’exemple, car elle montre que les humains sont capables de coopérer pour survivre.
Les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre (GES) responsables du changement climatique, de l’acidification des océans et dont l’une des conséquences est l’érosion de la biodiversité, va être un des défis les plus compliqués à relever car il touche à l’essence même de l’organisation des sociétés actuelles. L’utilisation du charbon, pétrole et gaz en est la principale responsable. Personne ne peut plus l’ignorer ni le nier et pourtant tout continue à peu près comme avant, à part peut-être un nouveau procédé marketing : le greenwashing, stratégie que le capitalisme peut adopter pour continuer de dévorer la planète tout en laissant penser qu’il la protège. Les analyses et projections du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat sont claires, la modification du climat a déjà commencé et va s’accélérer pendant plusieurs dizaines d’années quelque soit le scénario envisagé. Cela veut dire que les événements climatiques extrêmes sont et deviendront plus intenses, plus longs et plus fréquents, avec des bouleversements aux conséquences graves, comme la sécheresse que vit déjà la corne de l’Afrique, impliquant une famine, ou celle que l’on a vécu à l’été 2022 en France dans une mesure bien moindre. Les actions que nous mènerons aujourd’hui ne pourront avoir d’effets significatifs sur le climat qu’à partir de la fin du siècle. Tout cela implique qu’il faudra faire preuve de résilience et d’adaptation face à ces aléas climatiques. Même si des solutions techniques (captage et séquestration de carbone, géo-ingénierie) ou de nouvelles sources d’énergie décarbonée (fusion nucléaire, hydrogène natif, ...) sont en étude, cela reste très incertain et risque d’arriver trop tard, voir même d’être dangereux. La seule solution sûre pour ralentir ce changement et éviter de dépasser certaines limites planétaires est de consommer moins d’énergie, c’est à dire utiliser moins les machines, et donc aussi consommer moins. Le corollaire est qu’il va falloir faire des choix plus ou moins faciles dans notre mode de vie. La croissance sans fin ne pourra plus avoir lieu. La fin des énergies carbonées arrivera, que ce soit par choix, celui d’amoindrir le changement climatique, ou par obligation à cause d’un monde devenu invivable. La transition vers un monde durable ne se fera pas spontanément, mais il faut révolutionner nos modes de vie et amortir la probable contraction énergétique au plus tôt. Le risque serait alors grand qu’un gouvernement autoritaire en profite pour se mettre en place. Il faut continuer à développer la solidarité, y compris internationale, et la justice sociale, pour que la société ne flanche pas. Les dirigeant.e.s nous montrent tous les jours leur absence de volonté à agir et à respecter leurs engagements. Nous devons les contraindre, par une lutte solidaire, locale et internationale. Il faut agir maintenant !
Quand la main invisible du marché nous tue
Dès les années 70 de nombreux rapports et militant-es nous alertaient sur le fait qu’une croissance illimitée conduira à un crash économique et démographique majeur à cause de la pollution et de la disparition des ressources. Et pourtant, nous continuons de vivre sans limites. Le système capitaliste, dans lequel nous sommes enferré.e.s, est responsable dans la catastrophe qui arrive. L’heure n’est pas à la culpabilité. Le système actuel n’est pas viable face à ce qui nous attend, et il ne l’a jamais été. Les capitalistes n’ont aucun intérêt à investir dans des projets dont le bénéfice ne sera ni financier, ni réservé à l’oligarchie.
Pour un monde soutenable, l’objectif, en France, est de diviser par quatre nos émissions de GES, soit 2,3 tonnes équivalent CO2 par habitant (tCO2e/habitant). Cela veut dire beaucoup moins de biens et de services, même en gagnant en efficacité. Certains ne sont pas compressibles, par exemple la santé, et d’autres ne doivent pas le devenir, comme l’éducation et la culture. Il faut planifier la sortie des énergies fossiles et la décroissance. Le superflu et l’inutile doivent être définis démocratiquement. Il faut donner la possibilité aux travailleuses et travailleurs, à la population, de décider ce que l’on doit produire ou non. Le consumérisme effréné, poussé par un marketing sauvage jouant sur nos pulsions consommatrices mène l’espèce humaine à sa perte. La publicité doit être proscrite et les moyens pour lutter contre les obsolescences nuisibles augmentés. Il faut continuer à se battre contre un libéralisme prônant la surconsommation, contre les traités internationaux sur le libre échange et la concurrence libre et non faussée qui sont autant d’entraves aux réglementations sociales et écologiques. Il est temps de se recentrer sur ce qui est vraiment essentiel à l’humain et à la société
La structure même du capitalisme autoriserait les classes bourgeoises à polluer comme avant, tout en contraignant les autres à la misère et la pauvreté. Il faut lutter contre ce système de domination et d’accaparement, et penser que la fin du capitalisme demain est possible et vital pour notre société. Il faudra revendiquer une limite énergétique équitable pour toutes et tous. Pour cela ne les laissons pas utiliser le seul levier du prix qui pénaliserait seulement les plus pauvres, c’est à dire celles et ceux qui polluent déjà le moins, mais imposons-leur une réglementation sur les usages qui impacteraient tout le monde de manière équitable. Notre syndicalisme doit avoir un double objectif : conquérir de nouveaux droits et être apte à imaginer un ordre socio-économique alternatif avant que les bouleversements qui s’annoncent ne donnent aux capitalistes les opportunités pour imposer et légitimer un ordre toujours plus inégalitaire, injuste et autoritaire. La transition à venir doit être élaborée ensemble, citoyen.ne.s, travailleurs.ses, société civile et communauté scientifique. Nous ne pourrons éviter le pire d’un point de vue écologique et d’un point de vue démocratique que si nous décidons, par l’autogestion des moyens de production, ce qui doit être produit, avec quels matériaux et procédés, avec comme objectifs la réduction des GES et une gestion renouvelable et parcimonieuse des ressources. Poursuivons nos luttes anticapitalistes et pour les conquêtes sociales, tout en militant pour une sobriété choisie et équitable et pour la justice environnementale et la justice sociale » !
Pour SUD Éducation 83, le « blabla* » ne suffit pas !
*référence au discours de Greta Thunberg au sommet des Jeunes sur le changement climatique organisé par les Nations unies à Milan le 28 septembre 2021
La situation climatique doit nous pousser à questionner nos pratiques syndicales et mettre en avant certaines revendications écologiques. Même si la fable du colibri qui éteint l’incendie est jolie, nous ne croyons pas que son action soit suffisante. Cependant, en tant qu’organisation syndicale de transformation sociale il nous faut porter des revendications porteuses d’une réelle transition énergétique, notamment en direction de notre secteur d’activité professionnelle. Il nous faut syndicalement montrer qu’une autre voie est possible, que l’action et la mobilisation peuvent aussi être porteuses d’une réflexion collective sur la réduction du gaspillage et de la consommation d’énergie. Les grands domaines d’émissions de GES sont le transport, la nourriture, le bâtiment, la production matérielle et le numérique. Il faut pour chaque domaine voir comment notre activité syndicale peut évoluer et quelles revendications nous devons porter.
Transport
Nous devons avoir une réflexion sur l’impact de notre activité syndicale en terme de transport. En tant qu’organisation syndicale, il est inenvisageable de ne plus se réunir. Dans le même temps, il faut acter que notre département est très mal doté en transports en communs et que toute alternative à la voiture fait perdre du temps et de la liberté, et il faut l’accepter. La voiture individuelle n’est plus souhaitable (en tout cas pas celle à plus d’une tonne roulant au pétrole). Quand cela est possible, nous devons trouver des lieux de réunion proches de transports en communs et mieux organiser les solutions de covoiturage. L’organisation de nos réunions et stages doivent intégrer les informations sur les éventuels transports en commun et covoiturage. Afin d’avoir une démarche volontariste, nous devons réfléchir à un remboursement des frais de déplacement qui incite au covoiturage, comme cela se fait déjà à Solidaires Var.
Cette réflexion sur notre impact en terme de transport et d’énergie doit aussi se porter sur l’organisation de nos manifestations. Nous pouvons également mener une réflexion sur l’organisation même de nos cortèges pour voir comment réduire notre consommation d’énergie fossile. Afin d’éviter trop de déplacements lors des journées de grève, nous devons réfléchir à l’organisation de rassemblements plus nombreux, au plus près des lieux d’habitations, comme cela a été le cas pour le mouvement de lutte contre la réforme des retraites 2023 à Brignoles et à Saint-Raphaël. La création de sections syndicales géographiques ou d’unions locales interprofessionnelles seraient par exemple des appuis indéniables dans cette démarche.
Matériel
Dans le cadre de notre activité syndicale nous pouvons aussi questionner notre impact en terme de matériel, de consommables et de recyclage.
Chaque achat de matériel doit être questionné sur sa réelle nécessité, en privilégiant le matériel reconditionné (comme pour nos derniers achats de PC), ou celui avec un fort indice de réparabilité et ce qui est réutilisable.
De ce point de vue, le matériel militant et siglé (parapluie, casquettes, chasubles, drapeaux, gobelets…) doit être acheté en fonction de l’utilité réelle de chaque élément.
SUD éducation Var doit également mener une réflexion sur le matériel de propagande et de communication : tracts, brochures, autocollants, affiches… et le type de support utilisé (papier ou numérique) pour informer plus sobrement.
Numérique
Notre usage du numérique dans le cadre syndical doit aussi être questionné. Pour nous organiser nous devons communiquer. Mais chacun.e doit réfléchir à l’utilité d’un message, d’un mail, d’une pièce jointe. Peut-être faut-il réfléchir à une charte pour un usage responsable du numérique, intégrée au règlement intérieur du syndicat. Les échanges en visio, en petits groupes, permettent de gagner du temps, d’éviter des déplacements lointains, mais nous devons réfléchir à une bonne articulation entre physique et distanciel pour ne pas tomber dans les travers que nous dénonçons au niveau professionnel.
D’un point de vue général, il faut avoir une attitude économe. Il faut réfléchir à la nécessité des choses, et quand elles sont nécessaires essayer au maximum de les partager. C’est déjà ce qui est fait en mutualisant le matériel au niveau de Solidaires Var (photocopieur, plieuse, sono…), il faut continuer en ce sens.
Pour une autre école….
Comme dans le syndicat, nos luttes doivent intégrer ce thème sur notre lieu de travail. Les grands domaines d’émissions de GES restent les mêmes.
Bâtiment
Avec, dans le Var, 524 écoles, 71 collèges, 24 lycées, 3 sites universitaires, ainsi que de nombreux services déconcentrés, notre secteur d’activité professionnelle utilise un grand nombre de bâtiments, qui sont autant de sources de consommation d’énergie et de matériaux. C’est donc un levier important sur lequel il faut jouer pour réduire l’impact de l’éducation.
Le parc immobilier éducatif a besoin d’un plan d’urgence afin de le rénover, de mieux l’isoler et d’appliquer sa mise aux normes, pour en finir avec les passoires thermiques. Un tel plan, en plus de permettre des économies d’énergie, est susceptible d’améliorer considérablement les conditions de travail et d’études en période de froid, ou inversement de grande chaleur, notamment dans notre département. Les établissements scolaires et d’enseignement supérieur sont très rarement dotés de thermostats. Les équipements de chauffage ne peuvent pas toujours être contrôlés par les utilisateurs et utilisatrices des salles, conduisant à ouvrir les fenêtres avec le chauffage en route. Les solutions existent et sont connues : isolation, systèmes de chauffage de qualité, éclairages à basse consommation et « intelligents », toits végétalisés, ventilation naturelle, production d’énergie renouvelable sur site avec par exemple des panneaux solaires. Il faut aussi créer en nombre suffisant des postes d’agent.e.s fonctionnaires formé.e.s pour l’entretien des bâtiments selon des normes environnementales.
Ce sont principalement les collectivités territoriales qui sont en charge du bâti scolaire. Nos militant.e.s doivent porter des revendications auprès d’elles à travers les conseils d’écoles et les conseils d’administrations. Seulement, ces collectivités n’auront que rarement les moyens d’assumer seules des travaux aussi ambitieux. C’est pourquoi, pour SUD éducation, nos ministères doivent reprendre la main sur la gestion du bâti scolaire de la maternelle à l’université, pour y injecter les moyens financiers à la hauteur des enjeux. Nos revendications sont :
Des revendications concrètes sur les bâtiments scolaires et l’énergie :
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Un plan de rénovation / reconstruction du bâti scolaire pour la réduction des consommations énergétiques (isolation des bâtiments, programme de réduction des consommations…) et en eau.
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La maîtrise des consommations : isolation des bâtiments, éclairages à basse consommation et « intelligents », toits végétalisés, ventilation naturelle, récupération des eaux pluviales…
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Le développement de la production d’énergie renouvelable sur site (panneaux solaires…).
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La systématisation des diagnostics énergétiques dont les résultats doivent être communiqués aux usager·es et personnels.
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La débitumisation / végétalisation des cours de récréation qui doivent être accessibles en dehors du temps scolaire à la population en cas de fortes chaleurs et la dépollution des sols.
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L’instauration de températures minimales et maximales de travail ; le contrôle effectif des températures dans les bâtiments par les formations spécialisées (auparavant CHSCT). »
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La prise en charge de conditions matérielles de l'enseignement par l’État et plus par les collectivités territoriales.
Transport
Nous devons régulièrement faire le trajet domicile travail. Il faut reconnaître qu’en dehors des centres urbains, les transports en commun sont réduits au strict minimum, voire totalement inexistants. Et quand ils existent, les horaires ne sont parfois pas compatibles avec nos horaires de travail. Nous sommes donc souvent dans l’obligation d’utiliser des véhicules personnels, et souvent sans covoiturage en raison d’horaires non compatibles avec d’autres salarié.e.s.
Nous devons en tant qu’organisation syndicale revendiquer un meilleur maillage des transports en commun, avec des plages horaires variées afin de permettre à l’ensemble des salarié.e.s de pouvoir se déplacer en transports en commun le plus souvent possible. Ce ne sont pas des avions, des TGV et des autoroutes à 4 voies dont nous avons le plus besoin au quotidien, mais de bus, de TER, de tramway…il en faut plus et plus souvent. Les bus restent en milieu rural la seule alternative à la voiture individuelle pour se rendre d’un lieu à un autre, alors même qu’ils sont en nombre insuffisant ou trop coûteux pour permettre un accès aux élèves à la culture, aux installations sportives… SUD éducation revendique une meilleure prise en compte de cette problématique en milieu rural. SUD éducation Var doit aussi revendiquer une meilleure prise en compte des mobilités douces, alternatives importantes aux transports actuels. Cela passe par la création de plus d’espaces sécurisés de déplacements en ville et des voies spécifiques à la campagne.
Les déplacements collectifs d’élèves pour se rendre sur des installations sportives, des lieux culturels ou en sorties doivent pouvoir utiliser les mobilités douces. Continuons de diffuser régulièrement les informations du forfait mobilité durable pour inciter les collègues à changer leurs habitudes.
Rappelons également que les centaines de suppressions de postes des dernières années dans notre département ont dégradé nos conditions de travail. Mais dans le même temps ces suppressions de postes ont réduit d’autant les possibilités de mutations, donc de rapprochement de nos lieux d’habitation. Notre revendication de création de postes, est ainsi également porteuse de réduction des déplacements.
Nos revendications :
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plus de transports en commun, en horaire et en espace couvert.
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une meilleure prise en compte des mobilités douces, avec plus d’espaces sécurisés de déplacements en ville et des voies spécifiques à la campagne
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des créations de postes
Nourriture
Avec des millions de repas servis dans les cantines scolaires et universitaires, nos écoles et établissements ont un impact écologique loin d’être négligeable. Une grosse part de l’empreinte carbone de la nourriture provient de la viande, du poisson et du fromage. La surpêche fait peser une menace considérable sur les écosystèmes. Elle est responsable de la disparition de nombreuses espèces en plus de piller les ressources halieutiques des pays du Sud, affamant les populations dépendantes de la pêche et les poussant à s’éloigner des côtes. Notre solidarité internationale ne peut s’accommoder d’un tel crime. L’alimentation du bétail pour la viande et le lait, en plus d’utiliser de l’eau, une grande partie des surfaces agricoles cultivables et de participer à la déforestation dans d’autres pays, produit beaucoup de GES par la production et l’utilisation d’engrais.
Ces dernières années de nombreuses cantines scolaires et universitaires amorcent un virage vers une meilleure prise en compte des questions liées à l’alimentation et aux déchets générés, parfois imposé par la loi. Mais ces mesures restent très insuffisantes. Nous devons agir en conseil d’école ou en conseil d’administration pour limiter la consommation de chair animale et de produits laitiers à la cantine, tout en veillant à garantir des repas équilibrés. La nourriture consommée doit être bio (les pesticides s’accumulent et empoisonnent nos terres), locale (pour limiter les transports et faciliter l’implantation d’une agriculture de proximité) et surtout de saison (les serres chauffées ont un bilan carbone désastreux). Il convient également de développer un contre-discours qui entretient le fantasme qu’un repas équilibré contient nécessairement de la viande.
Nous sommes conscient.e.s que la transformation du modèle agricole, nécessaire pour alimenter les cantines scolaires et les populations, avec une alimentation locale et respectueuse de l’environnement ne pourra pas se faire sans solidarité avec les agriculteurs et agricultrices, parfois prisonniers et prisonnières d’un modèle de production toxique. Nous devons lutter en solidarité avec ces travailleurs et travailleuses pour qu’ils et elles soient accompagné.e.s et aidé.e.s, y compris financièrement, dans la transformation de leur modèle de production.
Nos revendications :
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limitation de la consommation de chair animale et de produits laitiers à la cantine, tout en veillant à garantir des repas équilibrés
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de la nourriture servie à la cantine bio, locale et de saison
Matériel
Dans nos écoles et établissements notre activité est génératrice de consommation de matériel divers : papier, stylos, feutres, crayons, manuels scolaires… sans qu’aucune réflexion ne soit jamais menée sur ces questions, autrement que par le biais budgétaire.
Attaché.e.s à la liberté pédagogique et aux choix que chacun.e fait dans son quotidien pour travailler, nous devons toutefois être conscient.e.s du gaspillage que notre activité engendre. C’est individuellement, mais surtout collectivement que nous devons nous interroger sur nos pratiques et sur les alternatives que nous pouvons trouver pour réduire la quantité de consommables utilisée, modifier le type de consommables pour privilégier des produits les plus neutres possibles, sur leur recyclage…
Nous pouvons aussi dans les conseils d’école et d’administration porter cette réflexion sur les matériaux, les produits d’entretien, l’entretien des espaces verts, le type de chauffage installé, les aménagements pour lutter contre la chaleur, la production d’énergie renouvelable par l’utilisation des surface de toit, etc… toujours en privilégiant le local pour solidifier le tissu industriel et artisanal local (limitation du transport, emploi de proximité…) dans le respect de l’utilisation de matériaux et produits écoresponsables.
Nos revendications :
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prise en compte du critère écologique pour les achats de matériels éducatifs et d’entretien (ce qui implique un budget plus élevé)
Numérique
En une vingtaine d’années le numérique est devenu omniprésent et indispensable de l’école à l’université, des pratiques pédagogiques jusqu’à la gestion du personnel, et encore plus depuis l’épidémie de Covid-19. Le numérique est parfois présenté comme une solution « écologique », ce qui revient à entretenir la méconnaissance des dégâts environnementaux qu’il entraîne. La digitalisation est un facteur d’accroissement des GES en forte progression. Un abandon total des outils informatiques paraît impossible, et n’est peut-être pas souhaitable. Le tout numérique non plus.
Il faut arrêter la course en avant, interroger la réelle utilité des outils numériques et choisir une alternative plus sobre quand elle existe. Dans le Var, le conseil départemental a dépensé une fortune pour équiper les collèges en tableaux numériques interactifs, en écrans tactiles interactifs et les élèves en tablettes. Refusons le matériel numérique inutile et non demandé qui n’a pour seul but que de flatter les parents d’élèves pour les élections.
Le personnel de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur doit être en position de faire connaître aux élèves, étudiant.e.s et à leurs collègues le coût environnemental des outils numériques : au niveau de la production de nos appareils, de l’extraction des matériaux utilisés dans la fabrication des outils numériques, de leur obsolescence permanente, des émissions de GES d’internet et de ses infrastructures (autant que le transport aérien), des déchets électroniques…
Nos revendications :
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formation des personnels et des élèves au coût environnemental du numérique
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interdire l’équipement numérique non demandé collectivement par les personnels
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la mise en place de la collecte et du tri des déchets numériques
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le recrutement de personnel titulaire formé à l’entretien et à la maintenance des outils informatiques
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la généralisation de l’usage de systèmes d’exploitation et de logiciels économes en énergie et à longue durée de vie sur l’ensemble des parcs informatiques, en favorisant les logiciels libres ; la diffusion des bonnes pratiques écologiques dans l’usage du numérique au sein de l’Éducation nationale
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la sortie du tout numérique pour un usage raisonné et réfléchi de l’outil informatique
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l’intégration aux programmes scolaires et à la formation du personnel des enjeux environnementaux du numérique.
Au niveau pédagogique
Le cœur de notre mission de travailleurs et travailleuses de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est d’éduquer les générations actuelles et futures et nous voulons que les élèves puissent étudier ces questions, en comprendre les enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux, pour agir en tant que citoyen.ne.s et futur.e.s professionnel.le.s éclairé.e.s.
Les programmes se sont déjà transformés pour sensibiliser les élèves aux problèmes environnementaux et énergétiques. Des textes de 2020 cadrent l’action de l’Éducation Nationale autour du « renforcement de l'éducation au développement durable » (EDD, qui existe depuis 2004) : «fournir une boussole aux élèves, qui leur permette d'acquérir des savoirs et des compétences, d'orienter leurs parcours individuels, personnels et professionnels, ainsi que de fonder leurs engagements citoyens pour un monde soutenable et respectueux de la personne humaine et de son environnement. »
Même si nous pensons que le concept de « développement durable » peut être considéré comme obsolète (il date de 1987) et n’est pas forcément pertinent car il désigne la tentative de concilier une écologie de vitrine et la poursuite d’un système économique capitaliste et productiviste, nous devons nous en emparer. Nous devons intégrer dans nos apprentissages la notion de décroissance, en expliquant qu’elle est la seule solution à un vrai développement durable. Il est important de faire comprendre aux élèves que le monde va changer alors que celui de leurs parents et grands-parents était en croissance continue. Nous nous engageons, pour tous les degrés, dans toutes les matières, quand c’est possible, à adapter le contenu des enseignements pour qu’il permette aux élèves de comprendre les mécanismes de la crise environnementale en cours et les moyens d’agir dessus. Il ne faut pas se contenter d’injonctions au changement des comportements individuels mais étudier l’impact du capitalisme et de ses structures sociales pour réfléchir sur la transition écologique et son accompagnement social. SUD éducation 83 met en garde contre les écueils de la labellisation EDD : travail gratuit (volontariat et bénévolat ou primes pour construire le projet), inégalités sur le territoire en fonction de la localisation dans le département et de la collectivité territoriale concernée (commune, conseil départemental ou régional), mise en concurrence des équipes, mise en garde contre le greenwashing, par exemple les entreprises élaborant des partenariats éducatifs pour diffuser l’idéologie du capitalisme vert » et des élèves alors encouragé.e.s à ramasser des déchets autour de centres commerciaux, à planter des arbres financés par des entreprises… pour « verdir » l’image des entreprises mécènes.
Pour sensibiliser au mieux les élèves, il faut que les personnels le soient aussi. N’hésitons pas chacun et chacune, à parler ou amener des idées sur des thèmes qui nous touchent, que l’on maîtrise le plus ou d’actualité pendant le temps libre au travail. La lutte pour préserver l’environnement doit être abordée en heure d’information syndicale : biodiversité, énergie, pollution, eau… Des stages sur ces thèmes doivent être proposés par notre syndicat.
SUD éducation 83 porte les revendications pédagogiques suivantes :
- formation des équipes sur le temps de service
- besoin de moyens horaires et financiers et de temps de concertation sur le temps de service pour permettre aux équipes de mettre en œuvre des activités pédagogiques et écologiques concrètes avec de petits groupes (création de jardins potagers, ateliers de réparation et de construction des objets de la vie courante, etc...) en allégeant les procédures administratives pour l’élaboration de projets.
- mise en œuvre d’une carte des formations orientées vers des métiers d’avenir. Par exemple :
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- inscription dans le cursus obligatoire en lycée agricole de la formation à l’agriculture biologique, permaculture, etc.
- dans les filières du bâtiment, renforcer la formation à la rénovation énergétique, à l’isolation du bâti, aux matériaux écologiques, aux énergies renouvelables, etc.
- écoles d’ingénieur-es avec spécialités dans l’environnement etc.
- intégrer dans les apprentissages la notion de décroissance, en expliquant qu’elle est la seule solution à un vrai développement durable, terme trop souvent dévoyé par le système capitaliste.
... et une autre société !
La lutte pour un monde viable doit être portée de manière collective. SUD Éducation et l’Union syndicale Solidaires ne feront rien seuls. Nous devons avoir une démarche volontariste et participer lorsque cela est possible aux collectifs et associations.
Nous pouvons saluer la victoire du collectif contre la carrière de Mazaugues à laquelle Solidaires Var a participé, et qui a réussi à stopper l’exploitation d’une carrière au cœur du Parc Naturel Régional de la Sainte Baume qui mettait en péril une des plus grosses réserves en eau souterraine du Var ainsi que certaines espèces endémiques.
La fin des énergies carbonées doit être un objectif pour notre syndicalisme, laisser dans le sol les combustibles fossiles est la seule solution pour limiter les effets du réchauffement climatique. Nous devons nous investir dans ces luttes contre les projets climaticides des sociétés productrice d’hydrocarbure, comme par exemple en ce début 2023 le projet pétrolier de Total en Ouganda et en Tanzanie.
Nous devons nous rapprocher d’organisations locales qui partagent ces luttes avec nous. Par exemple, relancer et faire vivre le « collectif urgence climatique » qui organisait des mobilisations, des actions et des moments d’informations à destination du public sur l’aire toulonnaise. Pour cela nous devons réfléchir à l’implication des adhérents et adhérentes dans notre syndicat.
Nos revendications doivent évoluer ou être remises en avant sous le prisme de la sobriété énergétique.
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L’énergie ne doit plus être gérée par des entreprises privées mais doit redevenir un secteur régalien (avec des autorités indépendantes pour contrôler la sécurité) non soumis à la concurrence. Nous devons revendiquer l’abrogation de toutes les lois qui libéralisent le secteur de l’énergie, particulièrement la loi Nome, qui aménage la concurrence entre les producteurs et fournisseurs d’électricité.
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SUD Éducation a des revendications pour une véritable fiscalité écologique taxant le transport aérien et le fret maritime, les voitures de luxe, le transport routier polluant par camions. Il faut mener aussi une réflexion sur la fiscalité pour promouvoir les alternatives à la voiture tout en veillant à ne pas pénaliser celles et ceux qui sont contraint.e.s de l’utiliser.
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Au niveau mondial, les 10 % les plus riches sont responsables de 52 % des émissions de dioxyde de carbone d’après une étude Oxfam. Les revendications de SUD éducation portant sur une meilleure répartition des richesses trouvent ici tout leur sens : il faut réduire la richesse inutile et indécente accumulée par les capitalistes afin de donner au reste de la population la possibilité d’avoir une vie décente. Cette dimension prenant en compte les études faisant état du fait que les populations les plus pauvres sont aussi celles qui ont le moins de moyens de se nourrir correctement avec des produits sains, qui sont logées dans un habitat insalubre véritables passoires thermiques…
Répartir les richesses, mais aussi le temps de travail permettrait un meilleur accès de toutes et tous à un temps libre émancipateur. Une partie de ce temps libre pourrait être mis à profit pour changer nos habitudes au quotidien, ce qui est impossible quand on est sans le sous et qu’on passe plus de temps à survivre qu’à vivre ! Réduire le temps de travail en travaillant un jour de moins dans la semaine, c’est aussi permettre de réduire les déplacements liés à notre activité professionnelle.
Voici quelques exemples. Revoir toutes nos revendications et les évaluer est un travail titanesque, mais dont on ne pourra pas se passer si l’on veut rester cohérent.
Nos revendications écologiques doivent être conditionnées à cette question : produisent-elles de nouvelles discriminations ? Ce que nous refusons. Aujourd’hui, la lutte écologique est au cœur de nos luttes. Qu’on souhaite agir sur les causes ou sur les effets de la crise environnementale, on ne peut se passer d’un affrontement avec les classes sociales qui profitent de ce système économique sans en payer les coûts. On ne peut pas, par exemple, envisager sérieusement de lutter contre le réchauffement climatique sans mesures contraignantes pour les entreprises, ce à quoi les gouvernements se sont jusqu’à présent refusés. Mais il s’agit aussi d’imposer une autre société pour combattre les inégalités entre celles et ceux qui sont et seront les plus touchés, et les autres. C’est une reconversion écologique et sociale globale qu’il faut imposer, qui soit en même temps le levier vers plus de justice, plus de bien-être, moins d’exploitation des ressources et des habitant·es de la planète.